POURQUOI VALORISER LE PIN D'ALEP EN BOIS D'OEUVRE
Comme son nom ne l’indique pas, le pin d’Alep est bien une essence autochtone en France. Il y est même abondant, avec plus de 250 000 hectares de forêts productives, pour un volume sur pied estimé à 14 millions de mètres cubes. Sa production annuelle est de plus en plus importante : estimée à 540 000 m3/an en 2005 elle passera à 730 000 m3/an en 2035. Le pin d’Alep est ainsi l’essence résineuse la plus représentée dans l’aire du climat méditerranéen. La majorité de sa ressource est située en région Provence-Alpes-Côte d'Azur avec 223 000 ha (donnée de 2003).
Crédits photo : David Giancatarina (photo) - Martine Bresson et Suzanne Schindlbeck (architectes)
Le pin d’Alep a intégré en 2018 la norme NF B 52001-1 permettant désormais son emploi en bois de structure (charpente, ossature, etc.) Il dispose d'une bonne robustesse, confirmée lors des tests homologués réalisés pour sa normalisation. Plusieurs études avaient déjà établi que la résistance mécanique du bois de pin d'Alep était intrinsèquement supérieure à la plupart des résineux européens.
Avec ses qualités mécaniques, le pin d’Alep se prête bien à la réalisation de bois de structure. La majorité des bois de structure utilisés aujourd’hui sont des bois massifs reconstitués ou lamellés collés, car ces produits sont adaptés aux techniques de construction bois modernes. Il n’est donc plus indispensable de travailler à partir de grumes de bois de grande longueur, ce qui convient bien à la ressource actuelle de pin d'Alep dont les arbres ont rarement pu être conduits dans leur croissance par une vraie sylviculture.
Les forêts méditerranéennes souffrent du manque de gestion, souvent expliqué par une trop faible valeur ajoutée des produits qu’on peut en tirer. Malgré ses qualités, le pin d’Alep, principale essence résineuse des forêts méditerranéennes, n’a été consacré presque exclusivement qu’à la fabrication de pâte à papier et de bois énergie depuis plus de 50 ans.
La valorisation en bois d’œuvre du pin d’Alep peut amener beaucoup de propriétaires forestiers, publics et privés, à réellement investir dans sa sylviculture pour produire un bois de meilleure qualité, dans le cadre d'une gestion forestière durable. Cela aura des impacts positifs à la fois sur l’économie de cette forêt, mais aussi sur le paysage et sur la prévention des incendies de forêts.
Le bouleversement climatique que connait le monde aujourd’hui a déjà de forts impacts sur la forêt française. Beaucoup de forêts productives sont actuellement touchées par les effets des sécheresses, qui les rendent notamment plus sensibles aux attaques de parasites (scolytes). Cela provoque des dépérissements importants, qu’on peut directement attribuer aux effets du changement climatique. Dans ce contexte se pose la question de la mutation de certaines forêts.
Le pin d’Alep est l’essence résineuse locale la mieux adaptée aux effets du réchauffement climatique en France. Il est peu sensible aux sécheresses et aux fortes chaleurs. Son aire naturelle devrait ainsi s’étendre à des forêts aujourd’hui tempérées. Pour la production de bois d’œuvre, le pin d’Alep peut donc devenir, au delà de son aire actuelle, une alternative crédible à d’autres essences résineuses menacées par le réchauffement climatique.
Arbre symbolique des forêts provençales, le pin d’Alep peut incarner auprès de la population du littoral méditerranéen le renouveau du matériau bois. Or dans cette région, le bois avait presque disparu de la culture du bâtiment. Le fait de construire en pin d’Alep peut amener davantage de gens à s’intéresser à la construction bois, par l’attachement à la forêt qui les entoure.
Enfin, le bois en lui-même a plus d’un critère esthétique à défendre : une couleur claire et homogène, un grain fin avec un toucher agréable et une masse importante. Et quelle satisfaction de voir du bois de pin d'Alep de qualité enfin utilisé à sa juste valeur !